Collection Pensées

Yves Ouallet

Essai

automne 2017

 L’univers est tout ce qui se meut ou est mu.

L’animal se meut et est ému.

Les humains sont les vifs que les émotions font vivre et mourir.

Se heurter aux émotions, c’est penser, et pas seulement vivre.

L’émotion suprême, qui n’est plus une émotion, est la joie.

Comment aller de la physique jusqu'à l'éthique ? Nous avons besoin, plus que jamais, d'une pensée perçante qui puisse traverser le champ du monde. L'émotion permet cette traversée inouïe du vivant, que la littérature a explorée depuis si longtemps.

Yves Ouallet, après s'être consacré dans ses séminaires et ses livres à une réflexion sur l'écriture et la vie, essaie dans ce petit traité de nous plonger au coeur des émotions en frayant un de ces chemins de traverse sur lesquels il s'aventure désormais.

Extrait:

"Quand Michel Strogoff, prisonnier à Tomsk, livré à Féofar Khan, va avoir les yeux brûlés par le sabre chauffé à blanc, il demeure impassible, les yeux grands ouverts. « Regarde de tous tes yeux,

regarde ! » lui répète le bourreau. Alors il regarde intensément la dernière scène qui se joue devant lui, sans rien laisser paraître de son émotion. Ultime regard d’avant l’aveuglement, à la fois ultime

spectacle du monde et dernier regard échangé avec autrui. Ce suprême regard embrasse en apparence le monde pour nous – mais en réalité il imprime dans la conscience intime la dernière image externe et il exprime pour autrui le suprême affect interne. Avant la nuit totale

et définitive de la cécité, les émotions s’échangent."

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